La guerre et la construction de l'Etat en tant que crime organisé

Dans l'article "La guerre et la construction de l'Etat en tant que crime organisé", l'auteur Charles Tilly propose une exploration des analogies entre la guerre, la formation de l'Etat et le crime organisé, en se basant sur l'expérience des pays européens durant les XVIe et XVIIe siècles. Loin de considérer la guerre et la création des Etats-nations comme de simples événements historiques, Tilly soutient qu'il s'agit de processus interdépendants qui engendrent des situations de protection qui, bien qu'apparentées à des formes d'organisation criminelle, sont souvent considérées comme légitimes.

Dans l'analyse, Tilly débute par une réflexion sur le concept même de "protection", qui peut être perçu de deux manières : comme un service rassurant contre les dangers ou comme une forme de racket où le protecteur impose une taxe pour fournir une défense contre des menaces qu'il pourrait lui-même susciter. Cela soulève la question de la légitimité des gouvernements dans leur rôle de protecteurs de leurs citoyens, qui parfois, par leurs actions, deviennent à la fois producteurs et créateurs de menace.

Il souligne que l'exercice de la violence par les Etats se distingue de celle des organisations criminelles par sa capacité à organiser et à monopoliser cette violence de façon centralisée, avec le soutien ou la complicité des populations sous leur contrôle. Cela fait écho à une observation de Machiavel et Hobbes, qui ont noté que la violence est un élément incontournable dans l'analyse politique.

Au fur et à mesure que Tilly développe sa thèse, il avance que les processus de guerre, de prélèvement et de protection ont été cruciaux dans l'émergence des Etats modernes. Il a observé que les seigneurs de l'époque utilisaient la guerre pour championner leur pouvoir territorial et obtenir des ressources. Par conséquent, cette dynamique a induit une relation étroite entre les détenteurs de pouvoir, les capitalistes et le développement d'une bureaucratie de l'Etat.

En outre, Tilly aborde le rôle de la résistance populaire et des intérêts divers dans ce processus. La résistance des populations pouvait forcer les gouvernements à accorder certaines protections et à établir des institutions politiques représentatives. Il propose ainsi que les relations entre le gouvernement et les élites économiques étaient souvent modelées par des alliances stratégiques pour renforcer leur contrôle.

L'article met également en lumière les implications de ces dynamiques pour les formes organisées de violence que l'on retrouve dans le monde actuel, où les conditions de guerre et les systèmes étatiques peuvent s'apparenter à des structures de criminalité organisée. En effet, cette analogie devient provoquante dans le cadre des études sur le développement des Etats dans le Tiers-Monde, et met en exergue les disparités entre ces nouvelles constructions étatiques et leurs homologues historiques en Europe.

Enfin, en naviguant entre les structures politiques et leurs implications économiques, Tilly conclut que la compréhension de ces mécanismes d'Etat est essentielle pour déchiffrer la situation actuelle au sein du système international, où les organisations militaires souvent échappent au contrôle gouvernemental, ce qui crée un contexte pactisé entre légitimité et criminalisation des actes de gouvernance.

La guerre et la construction de l'Etat comme crime organisé

La guerre et la construction de l'Etat comme crime organisé